Pierre Paul RUBENS, "Le Martyre de Saint Georges"
(Siegen, 1577 – Anvers, 1640)
Le Martyre de Saint Georges
Vers 1615
Huile sur bois.
Hauteur 195 cm. Largeur 159 cm.
Historique : Saisie révolutionnaire, 1794. Envoi de l’Etat 1803.
Sur ce panneau, saint Georges est martyrisé, car il refuse de sacrifier aux idoles, représentées ici sous la figure d’un Apollon musagète. Comme il résiste miraculeusement aux souffrances, Dioclétien ordonne sa décapitation. Rubens a représenté les bourreaux préparant le saint à son martyre après lui avoir retiré son armement qui, au premier plan, compose une belle nature morte. Un prêtre demande à saint Georges d’abjurer sa foi chrétienne alors que celui-ci voit deux putti lui offrir la couronne de laurier, victoire sur le mal et la mort.
La rigueur de la composition pyramidale tempère la dynamique baroque où s’exaltent couleurs vives, liberté des formes et profusion monumentale chères au maître anversois. Ce dernier multiplie les citations d’antiques qu’il avait admirés à Rome quelques années auparavant et dont il avait nourri ses carnets de dessin : le Torse du Belvédère inspira le corps du saint et l’Hercule Farnèse le dos musculeux du bourreau.
Vers 1615, la corporation des arbalétriers de Lierre, près d’Anvers, commandait à Rubens un triptyque pour sa chapelle à la collégiale Saint-Grommaire. Le Martyre de saint Georges en était alors le panneau central, encadré par Saint Georges et le dragon et Sainte Agnès et son agneau (non localisés depuis 1830). En 1794, les troupes françaises saisirent l’œuvre et l’envoyèrent au Louvre. Neuf ans plus tard, le panneau central fit partie du premier envoi au nouveau musée de Bordeaux.
Depuis la Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298), saint Georges est traditionnellement représenté combattant un dragon. Figure de l’idéal chevaleresque, il symbolise surtout la victoire de la Foi sur le Mal. Rubens avait d’ailleurs précédemment peint cette scène plus habituelle en 1606-1608 (Madrid, Prado). Mais pour le triptyque de Lierre il suivit les préceptes du Concile de Trente, et relégua le combat du dragon sur un simple volet du retable et mit plutôt en lumière le martyre du saint au centre.
Au moment de cette commande, Rubens dominait la scène artistique locale depuis sa nomination de peintre de la cour des Archiducs Albert et Isabelle en 1609. Il profita d’un regain économique et d’un renouveau du catholicisme en Flandres en recevant surtout d’importantes commandes religieuses, notamment L’Erection de la croix (1610-1611, Anvers, cathédrale) et La Descente de croix (1611, id.), qui consacrèrent un langage pictural nouveau, vivant, parfois lyrique, audacieux et très coloré, et immédiatement perceptible.
Devant le succès et l’afflux ininterrompu de commandes, Rubens développa à partir de 1615 un atelier où travaillaient des collaborateurs réputés (Jordaens, Snyders, Van Dyck) et soumis à son contrôle incessant, voire à son intervention directe ; le tableau de Bordeaux en constitue l’un des précieux témoignages.