François André VINCENT, La Leçon de labourage ou L'Agriculture
François-André Vincent (Paris, 1746 – Paris, 1816), L’Agriculture, 1798, huile sur toile, Bordeaux, musée des Beaux-Arts. Achat en 1830.
L’artiste néo-classique François-André Vincent tient une place essentielle dans la peinture française. Ce contemporain et rival de David expose ce tableau sous le titre de l’Agriculture au Salon de 1798. Il fut commandé en 1795 par François-Bernard Boyer-Fonfrède, riche marchand et fils d’un négociant bordelais, pour orner le grand salon de son hôtel toulousain, quai de la Daurade.
L’œuvre met en scène le commanditaire, François-Bernard Boyer-Fonfrède, accompagné de sa femme et de sa fille, assistant à la leçon de labourage de son fils Jean-Bernard.
Le peintre utilise une palette froide et soigne la facture pour répondre aux exigences de son mécène. Pour ce faire, il représente la leçon de labourage de son enfant sur les terres de son commanditaire en Occitanie, indentifiables grâce à la chaîne des Pyrénées visible à l’arrière-plan. Le laboureur a le visage et le corps musclés d'un personnage de la Haute Renaissance et sa main, pointée vers la paire de bœufs qu'il montre en exemple, est empruntée à l'image de Dieu, dans la Création d'Adam de Michel-Ange, sur le plafond de la chapelle Sixtine. Sa figure est intemporelle alors que les autres personnages sont bien de leur temps : mode des robes féminines en tissus de gaze volant au vent ainsi que le chapeau en paille d'Italie très Directoire ; quant au garçonnet, son corps est moulé dans un pantalon collant, la lumière très crue accentuant les formes de sa silhouette. La lumière joue aussi en oblique sur l'arrière-train des bœufs - très inspirés par la peinture hollandaise du XVIIe siècle - et sur les figures féminines pour les rendre plus évanescentes créant un contraste entre les plans. Il s'agit d'une peinture à la fois idéalisée et réaliste - pour les bœufs et la charrue dont le modèle est fidèlement copié sur les araires du Languedoc. Les tonalités générales sont dans des harmonies de bleu - au loin la chaîne des Pyrénées - de marron et de blanc très réussies.
Le livret du Salon décrit le tableau comme étant « pénétré de cette vérité que l’agriculture est la base de la prospérité des États ». Le sujet de la composition et la description qui en était donnée se nourrissent de la philosophie des Lumières. En effet, Jean-Jacques Rousseau, auteur de l’Emile, expliquait que l’agriculture rendait vertueux et était « le premier métier de l’homme ». Issus d’un autre courant de pensées, les physiocrates faisaient aussi l'éloge de l'agriculture et des richesses de la terre nourricière. Ainsi pour François-Bernard Boyer-Fonfrède, l’éducation de son fils aurait été « imparfaite sans cette connaissance ». Ainsi, La Leçon de labourage, seule peinture achevée de Vincent, s’attache à montrer les vertus du travail des champs et de son apprentissage par de jeunes bourgeois.
Il s'agit d'une peinture que le conservateur Lacour fils, qui l'a fait acquérir par la Municipalité bordelaise en 1830, considérait comme le chef-d'œuvre de Vincent.