Johann Friedrich August TISCHBEIN, "Frédérique Louise Wilhelmine, Princesse d’Orange-Nassau"
(Maastricht, 1750 – Heidelberg, 1812)
Frédérique Louise Wilhelmine, Princesse d’Orange-Nassau
1788
Huile sur toile.
Hauteur 210 cm. Largeur 165 cm.
Historique : Achat de la Ville, 1970.
Représentée en pied, la princesse est vêtue d’une robe à l’anglaise gris-vert dont la large ceinture mauve rappelle la couleur des escarpins et du chapeau. Elle tient à la main droite une partition de musique tout en s’appuyant de la gauche au dossier d’un fauteuil placé devant un pianoforte. Derrière elle, une large baie ouvre sur un jardin paysagé orné d’une statue.
C’est en 1788 que le stathouder de Hollande, Guillaume V (1748-1806), invita pour la troisième fois Tischbein à se rendre à La Haye afin de peindre les portraits de sa famille (Amsterdam, Rijksmuseum). Cette commande intervenait quelques mois après la défaite des républicains bataves et le rétablissement de Guillaume V par l’armée de son beau-frère, le roi Frédéric-Guillaume II de Prusse. Ce dernier se rendit alors dans la capitale hollandaise afin de conclure des alliances matrimoniales, notamment l’union du fils d’un général prussien, Charles Georges Auguste de Brunswick-Wolfenbütell (1766-1806) avec la fille de Guillaume V, Frédérique Louise Wilhelmine (1770-1819). Ce fut sans doute à cette occasion que Tischbein réalisa ce portrait où il s’applique à rendre les plus infimes détails. Le couvercle du pianoforte laisse ainsi apparaître le nom du facteur (Gabriel Guillebard, La Haye 1788) tandis que les partitions de musique révèlent quelques titres : Sonates / au pianoforte : pour la princesse / Louise / par Collizzi (musicien à la Chapelle de Guillaume V d’Orange et professeur de chant de la princesse).
Le portrait d’apparat, qui connut son apogée au cours du Grand Siècle, gagna au siècle suivant la noblesse de robe et la grande bourgeoisie. Ce type de portrait exclut toute spontanéité du modèle et participe à l’expression de la puissance et au renom du personnage central. Les vêtements et les objets permettent d’identifier le modèle socialement (une princesse) et humainement (son goût pour la musique et les arts). L’effet de richesse est renforcé par les textures et les matières luxueuses associées aux éléments du décor. Ici, l’artiste met l’accent sur la précieuse ornementation du large chapeau de la princesse : la soie rayée blanche et mauve qui le recouvre est rehaussée d’une grande écharpe blanche et de deux plumes d’autruche.
Membre d’une importante dynastie de peintres allemands, Tischbein fut l’élève de son père Johann Valentin (1715-1768) puis de son oncle Johann Heinrich Tischbein le Vieux (1722-1789) qui lui enseigna notamment l’art du portrait. Il se mit au service du Prince évêque von Waldeck, à Arolsen, qui l’envoya compléter ses études à Paris entre 1772 et 1777. Puis il voyagea à Rome où il rencontra Anton Raphaël Mengs (1728-1779), et à Naples entre 1777 et 1779, avant de retrouver le prince. Il quitta ce dernier pour la cour de Léopold III d’Anhalt-Dessau en 1795. Il assuma la direction de l’Académie de Leipzig à partir de 1800 et des commandes à Saint-Pétersbourg entre 1806 et 1809. Dès les années 1780, Tischbein abandonna son style rocaille au profit d’un « néoclassicisme sentimental » ou d’un « proto-romantisme naturaliste » sous l’influence des Anglais Thomas Gainsborough (1727-1788) et George Romney (1734-1802), et des Français Jean-Baptiste Greuze et Elisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842). Tischbein privilégia alors le charme naturel au rang social, tant dans ce portrait bordelais que, par exemple, dans celui de Frédérique Sophie Willhelmine de Prusse (1789, La Haye, Mauritshuis) ou Le Portrait de Nicolas Châtelain dans un jardin (1791, Munich, Neue Pinakothek) qui conforta la réputation internationale de son auteur. Il s’imposa surtout dans les portraits masculins, comme le remarquèrent les critiques contemporains, mais il ne délaissa jamais l’élégance et les objets qui seyaient à l’aristocratie (Portrait de la famille Saltykov, 1782, Saint-Pétersbourg, Ermitage). Cependant, son approche du modèle n’est pas tant psychologique que sentimentale, témoignant du préromantisme dans la peinture allemande.