Sir Joshua Reynolds, "Portrait de sir William Chambers". MNR 333
Pendant la dernière guerre mondiale, les nazis confisquaient leurs biens aux juifs, franc-maçons, communistes et opposants au régime. Les œuvres ainsi spoliées, retrouvées après la guerre, ont été réunies par les Musées Nationaux et marquées du sigle MNR (Musées Nationaux Récupération).
Exposées dans les différents musées de France, elles peuvent être, à tout moment, réclamées par leurs anciens propriétaires ou descendants héritiers.
Sir Joshua Reynolds (Plympton, 1723 – Londres, 1792)
Portrait de sir William Chambers, architecte et l'un des fondateurs de la Royale Academy of Arts
Entre 1750 et 1760
Huile sur bois
Hauteur 77 cm. Largeur 63 cm.
Historique : Ce portrait a été acquis, en 1943, comme une oeuvre de sir Henry Reaburn auprès d’un collectionneur privé français par la galerie d’Eugen Brüschwiler installée à Munich. Il est réceptionné à Munich le 30 avril 1943 où il était destiné à entrer dans les collections du musée de Linz ; il est alors inventorié sous le numéro « 2841 ». [1 (archives : MAE carton 581 R 37 et BAK B 323 49)]. Il est volé au Führerbau à Munich où étaient regroupées les oeuvres avant d’être acheminées dans différents dépôts [2 (archives : BAK B 323 664) ] ; le bâtiment est d’ailleurs pillé en avril 1945. L’oeuvre est pour sa part enregistrée au Central Collecting Point de Munich sous le numéro 10705.
Attribuée au musée du Louvre par l’Office des Biens et Intérêts Privés en 1950, elle est déposée à Bordeaux en 1952 (MNR 333).
En 1952, ce portrait était attribué à sir Henry Reaburn et identifié au portrait d'un écrivain. L’attribution à Reynolds n’est confirmée que depuis la publication du catalogue raisonné de l’artiste par David Mannings. Pourtant, l’oeuvre fut gravée en manière noire dès 1794 par Samuel William Reynolds sous le titre Sir William Chambers R[oyal] A[cademy] Treas[ure]r.
Il n’est pas nécessaire de revenir sur la brillante carrière de William Chambers (1723-1796), architecte et co-fondateur de la Royal Academy of Arts avec Francis Cotes, Georg-Michael Moser et Benjamin West en 1768. A cet ami et confrère académicien, Reynolds donna le surnom de « vice-roi » de la Royal Academy. Il lui commanda le projet de sa villa Wick House à Richmond Hill dont il laissa une vue sur la Tamise en 1788 (Londres, National Gallery). Reynolds réalisa trois portraits de l’architecte : deux peints dans les années 1750 (Le premier est conservé à la National Portrait Gallery de Londres et le second est celui déposé à Bordeaux) et le dernier vers 1778 (Londres, Royal Academy of Arts) . Entre-temps, en 1771, son confrère Francis Cotes donna aussi un portrait que grava Richard Houston l’année suivante.
La légende de la gravure le qualifie de Trésorier de cette institution, charge qu’il assura dès la création de l’Académie jusqu’à sa mort. Cependant, Reynolds le portraiture bien avant sa nomination comme membre fondateur, à mi-corps, en pleine réflexion, la tête tournée vers la gauche et les yeux levés vers le ciel, tenant un porte-crayon dans sa main droite et un carnet de croquis dans la gauche. Le fond sombre, à peine esquissé, laisse deviner des éléments architecturaux, une colonne et un entablement, qui sont visibles sur la gravure.
L’état d’inachèvement du portrait bordelais, que l'on retrouve pour Le Portrait de la comtesse Georgiana Spencer et de sa fille (1759-1761, Devonshire Collection), semble témoigner de la technique de Reynolds des années 1755-1760. S’inscrivant dans la tradition, le peintre réalisait personnellement le visage du modèle pendant de nombreuses séances de pose. Puis il procédait à la "dead colour" (couleur morte) qui concernerait le costume traité en plusieurs étapes avec une technique différente. Celle-ci ne signifie nullement l’intervention d’un assistant car la technique de Reynolds variait naturellement au cours de l’exécution d’un portrait, utilisant la brosse pour les fonds ou le pinceau très doux pour les glacis. En revanche, l’oeuvre est originale par le support utilisé, un panneau de bois.