Louis Teyssandier : sa vie
Louis Teyssandier (Paris, 27 avril 1909 - Talence, 21 mai 1987), fils d'un typographe bordelais installé à Paris est né à Vincennes le 27 avril 1909. Sa famille le sensibilise à l'art du livre, ce qui lui donne le goût des belles illustrations. À l'âge de onze ans, ses parents lui offrent sa première boîte de peinture à l'huile et dans le même temps, il découvre le musée du Louvre et sa profusion d'œuvres, et en particulier Les Noces de Cana de Véronèse dont les multiples perspectives le subjuguent.
Il entre adolescent à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris dans l'atelier de décoration de théâtre dirigé par le célèbre Émile Bertin, président de l'Union des maîtres-décorateurs de théâtre. C'est là qu'il rencontra Guitry, Jouvet, Diaghilev et participa à la réalisation de décors de Matisse et Picasso.
Chaque année au cours des vacances scolaires, il retrouve à Bordeaux son cousin Jean Lagenie qui écrit des pièces pour lesquelles, déjà, il dessine et crée les costumes et les décors.
S’ensuit une période de sa vie au cours duquel, passager clandestin, il part du Havre sur un cargo en partance vers les États-Unis, à la recherche d’un ailleurs. Il paiera son voyage en graissant les lampes et les bielles, mais étant mineur il sera obligé de revenir en France.
Après son service militaire à Colmar, et toujours épris d'horizons lointains, il s'engage dans l'armée. Affecté au service géographique, il séjourne en Indochine et voyage au Cambodge, au Viêt-Nam, et au Laos où il découvre la sagesse des moines bouddhistes et les philosophies de l'Extrême-Orient qui ont influencés son travail de peintre. Il revient à Bordeaux en 1933 et retrouve son cousin Jean Lagenie qui vient de fonder la « Compagnie du Bon Vouloir » dont le but avoué est de bousculer les traditions des spectacles « inertes et faciles » et prouver que le théâtre est tout autre chose.
De 1935 à 1939, débute à Bordeaux son activité de décorateur de théâtre pour la « Compagnie du Bon Vouloir ». Pendant l’hiver 1936-1937, il réalise les décors d’Intérieur de Maeterlinck, L’Amour Médecin de Molière, La Double Inconstance de Marivaux, Orphée de Cocteau et Intermezzo de Giraudoux. À partir de 1938, son activité s’élargit et il réalise, en collaboration avec deux autres groupes de même obédience (« L’Avant-Scène » et la « Flamme »), les croquis des costumes des acteurs jouant dans La Locandiera de Goldoni, Le Vase Magique de Georges Salles et La Nuit des Rois de Shakespeare.
Louis Teyssandier, mobilisé pendant la guerre, est gravement blessé en 1941 par des éclats d’obus qui lui perforent le poumon. Il retourne à Bordeaux et se marie le 14 août 1941.
Oeuvres conservées au musée des Beaux-Arts
Il reprend sa place à la « Compagnie du Bon Vouloir » et crée des décors et des costumes pour Bajazet de Racine, La vie est un songe de Calderón. Toujours novateur, il crée pour le Médecin malgré lui de Molière ce que nous appelons « le costume de base » qui consiste, comme le définit le critique d’art Pierre Paret, en un costume qui distingue les comédiens « les uns des autres par les ajouts d’accessoires significatifs de leur personnalité ou spécifiques de leur état. »
Le public bordelais, habitué à plus de classicisme, est bousculé par ses décors non réalistes qui traduisent le caractère des personnages par la forme et la couleur (Fidelio, Falstaff, la Damnation de Faust…).
En 1946, il rejoint la « Nouvelle Compagnie », née de la fusion du « Bon Vouloir » et de la « Flamme ». La soif de spectacles après ces années de morosité et d’angoisse amène le public et la critique à soutenir Louis Teyssandier et Jean Lagenie dans le sens d'une stylisation plus grande et d’un emploi de couleurs plus toniques. Il crée ainsi, avec son cousin, Othello de Shakespeare puis reprend Intermezzo de Giraudoux, l’Alchimiste de Ben Jonson et Le viol de Lucrèce d’André Obey (d’après Shakespeare).
À cette même époque, il se consacre également de plus en plus à la peinture et il est nommé lauréat régional pour le prix national de la Jeune Peinture en 1949. La saison 1950-1951 s'ouvre avec Volpone de Ben Jonson et les décors que réalise Louis Teyssandier pour cette pièce rejoignent ses conceptions de peintre. Son cousin Jean Lagenie, nommé instructeur national d’art dramatique, quitte Bordeaux et Louis Teyssandier poursuit alors son travail sur les costumes et les décors avec Gil-Dulout qui dirige alors la « Nouvelle Compagnie ».
En 1951, Louis Teysssandier devient décorateur en chef au Grand-Théâtre de Bordeaux où il exerce jusqu’en 1960. C'est dans les grands ateliers municipaux de la rue Courpon (quartier Saint-Bruno) que se forge le destin de Wotan, Faust, Salomé… L’artiste parlait ainsi de son travail : « Ce qui guide notre réalisation, c'est une recherche de formes et de couleurs assez contrastées. Nous n'en sommes plus à la reconstitution archéologique d'autrefois. Nous tendons désormais à recréer seulement l'esprit de l'œuvre et à la déplacer dans un absolu plastique ».
Parallèlement, il peint chaque jour dans son atelier de Gradignan sous l'influence de Jean-Maurice Gay, maître bordelais de l’abstraction géométrique. En 1952, il rejoint le groupe « Structures » fondé en 1952 par ce dernier. Peu à l’aise dans les manifestations mondaines, il n’ignore pas cependant que la peinture est faite pour être vue et participera à de nombreuses expositions individuelles et collectives jusqu’en 1982.
Fragilisé par ses blessures au poumon et fatigué, Louis Teyssandier prend sa retraite anticipée en 1960 et se consacre ensuite uniquement à la lecture, à la réflexion, à l’écoute de la musique et à la peinture. Il meurt à son domicile de Talence le 21 mai 1987 et évoquait sa propre mort sous ces mots : « Quand s’éteindra le ciel constellé, tel un grand rideau que l’on roule, enfin j’imaginerai ma mort. »
Catherine Couralet
Galerie du Palais Gallien, Bordeaux
Présence de Louis Teyssandier aux salons bordelais :