Anachronismes
Premier projet de la Bacchaweek : Gabriel Oçafrain, étudiant à l’Université Bordeaux Montaigne en M1 Histoire de l’Art moderne, revisite quelques chefs-d’œuvre du musée, les détourne en y ajoutant des éléments de la pop culture ou des objets anachroniques.
[Éclaire-moi si tu peux]
[Aziz lumière*]
Réinterprétation de Saint Sébastien soigné par Irène du Maître à la chandelle, toile dans laquelle Saint Sébastien est délicatement soigné par Irène, la flèche lui transperçant encore le corps. La source lumineuse, placée à l’intérieur du tableau, rejette dans l’obscurité le reste de la scène et renforce sa dramaturgie. La délicate lumière d’une lanterne fait place au flash cru d’un smartphone, dévoilant le corps tatoué du beau Saint Sébastien qui en a vu d’autres côté douleur...
*Le 5e élement de LucBesson pour la référence #cultissime
[Healthy toujours]
[De battre mon cœur]
[Je me consume]
Réinterprétation de l’œuvre Eliézer et Rebecca de Giovanni Battista Pittoni.
Sous le regard de deux femmes, un vieil homme barbu, passe un bracelet autour du poignet d’une jeune femme. Le peintre reprend un passage de l’Ancien Testament (Genèse) dans lequel Abraham charge son intendant Eliézer de trouver une femme pour son fils Isaac. Pendant son voyage, Eliézer s’arrête près d’un puits pour faire reposer ses chameaux. À la suite de sa prière, il demande de l’eau à la première jeune femme qui accepte de lui en donner. Voyant le signe qu’il attendait, Eliézer donne un anneau et deux bracelets d’or à la future promise d’Isaac, Rébecca. Dans son tableau, Pittoni remplace l’or des bracelets par des perles, signes de pureté. Ici, le bracelet de perles est remplacé par une montre connectée, entourée de 2 cigarettes, paradoxe d’une injonction sociétale healthy face à un vice que l’on peine à stopper.
[Couvre-feu]
[Dans l’air du temps]
[Repas de famille]
Réinterprétation des Héritiers de Jean-Eugène Buland.
Cette œuvre dépeint une famille de la bourgeoise rurale dans le deuil. Ses membres sont réunis dans un moment de recueillement, attendant la fin de consumation de la bougie placée au centre de la scène. Les objets disposés dans la toile, au sol et à l’intérieur du coffre ouvert, montrent le partage des biens de la personne défunte. L’hyperréalisme de la toile nous fait ressentir la tristesse et la profondeur psychologique de la scène, renforcée ici par l’attention hypnotique des personnages aux images et aux flux d’infos des chaines de télévision en continu.
[Allez 1,2,3, j’y vais !]
[Courir ou ne pas courir ?]
[Mauvaise résolution]
Réinterprétation de Berger assis de Jean-Joseph Taillasson.
L’œuvre présente un berger qui, sous ce titre un peu banal, dissimule un autre motif : une étude masculine assise au premier plan d’un paysage. Un exercice pédagogique pour tout élève de l’Académie Royale de peinture et de sculpture, l’étude du nu étant pratiquée sous couvert mythologique ou religieux.
[David]
[Corvée du dimanche soir]
Réinterprétation de David tenant la tête de Goliath de Aubin Vouet.
Le combat entre le géant Goliath et le jeune berger David, relaté dans l’Ancien Testament, met fin à la guerre qui divise deux peuples. David, défini comme un enfant, jeune et beau, arrive à vaincre Goliath, un guerrier chevronné grâce à la ruse. Armé de sa seule fronde, il assomme son ennemi d’un jet de pierre, lui prend son épée pour lui trancher la tête. Ici un sac poubelle et un balai remplacent l’arme et le trophée, allégorie de l’ennemi n°1 du week-end, ultime corvée du dimanche soir...
[Good vibes]
Réinterprétation de Bacchus et l’Amour ivres de Jean-Léon Gérôme.
Ce couple de petits dieux est composé de Bacchus à gauche, reconnaissable par les feuilles de vigne autour de son ventre et de la pardalide (peau de panthère) dans son dos. Et l’Amour à droite, par ses ailes et la flèche dans sa main. Les deux dieux se tiennent bras dessus bras dessous, ivres d’avoir bu trop de vin, accompagnés d’une musique envoûtante et montrant du doigt au loin une bacchanale, fête donnée en l’honneur du dieu du vin Bacchus.
Au fait Bacchus, Bacchanales, Bacchaweek, vous voyez le lien ? Bien vu non
[Selfie, mon beau selfie]
[No filter]
[Vanité]
Réinterprétation de Vénus à sa toilette de Charles Joseph Natoire.
Devant cette Vénus, on est séduit par la grâce et la volupté du pinceau de Natoire, la fraîcheur et la luminosité de sa palette. Le sujet de la femme au miroir est fréquent dans la peinture européenne. C’est un hymne à la grâce féminine, mais aussi une méditation sur la beauté éphémère et la vanité de la vie, ou encore, une réflexion sur la vérité, parfois bien différente des apparences. Longue vie aux réseaux !
"Ces images sont le résultat du mélange de deux esthétiques diamétralement opposées mais que j'apprécie autant l’une que l’autre.
D’un côté la peinture classique du siècle de Vélasquez à celui de David, et de l’autre la pop culture et le streetwear dans lesquels je baigne depuis toujours. La rencontre de ces deux univers me permet de créer des images hybrides qui croisent toutes ces références saupoudrées d’un côté léger et humoristique.
Ma formation en histoire de l’art me permet de constituer une base de références picturales dans laquelle je pioche une œuvre pour y ajouter un téléphone, un ordinateur, des écouteurs ou des vêtements actuels afin de créer ces anachronismes."