Hendrick TER BRUGGHEN, "Un chanteur s'accompagnant au luth"
Regards croisés : un partenariat avec le Conservatoire de Bordeaux autour des œuvres du musée
Un chanteur s'accompagnant au luth, 1624, huile sur toile. Hauteur. 104,5 cm. Largeur. 84,7 cm. Achat de la Ville, 1829.
Le Conservatoire met librement en musique une œuvre du musée des Beaux-Arts
Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux et le Conservatoire Jacques Thibaud s’associent, pendant la fermeture des établissements liée au Covid-19, pour présenter une nouvelle série de vidéos mêlant les arts.
La deuxième œuvre est consacrée au Chanteur s'accompagnant au luth de Hendrick Ter Brugghen (Deventer, 1588-Utrecht, 1629). L’œuvre est mise en musique par trois élèves : Ileana Ortiz au chant, Nathalie Niervenez au luth et Alice Thévenin au théorbe. Il s’agit d’un extrait de Figlio Dormi, une œuvre de Johannes Hieronymus Kapsberger de 1619, enregistré à la Chapelle Saint Genès en 2018.
Les liens artistiques entre les Flandres et l'Italie à la Renaissance sont nombreux, et se poursuivront au début de la période baroque. S'il était courant pour les peintres flamands de se former auprès des grands maîtres italiens (Ter Brugghen fera un long séjour à Rome à partir de 1607), les liens musicaux entre les Flandres et l'Italie sont aussi multiples.
Depuis le XVe siècle les musiciens franco-flamands, de Guillaume Dufay à Roland de Lassus, étaient particulièrement appréciés dans les grandes cours italiennes. Les échanges musicaux entre le nord de l'Europe et l'Italie sont donc monnaie courante et perdureront jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Si Johannes Hieronymus Kapsberger n'est pas à proprement parler un musicien flamand, ses origines germaniques et sa vie en Italie illustrent parfaitement le lien artistique entre ces deux nations. Né à Venise, il s'installera à Rome à partir de 1610, à peu près au moment où Hendrick ter Brugghen y séjournera.
Depuis le XVe siècle les musiciens franco-flamands, de Guillaume Dufay à Roland de Lassus, étaient particulièrement appréciés dans les grandes cours italiennes. Les échanges musicaux entre le nord de l'Europe et l'Italie sont donc monnaie courante et perdureront jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Si Johannes Hieronymus Kapsberger n'est pas à proprement parler un musicien flamand, ses origines germaniques et sa vie en Italie illustrent parfaitement le lien artistique entre ces deux nations. Né à Venise, il s'installera à Rome à partir de 1610, à peu près au moment où Hendrick ter Brugghen y séjournera.
Le lien entre ces deux œuvres et ces deux artistes est de ce fait évident et est ici renforcé par le choix d'une villanelle de Kapsberger, chantée et accompagnée par le luth, en référence au sujet et au titre du tableau de Ter Brugghen.
En savoir plus sur l'œuvre
Tournant le dos au spectateur, un musicien est représenté de trois-quarts, jouant du luth et chantant sur un fond neutre. Son visage porte un léger collier de barbe et une moustache plus fournie. Il est vêtu d’un lourd manteau brun d’où émerge la manche rayée et bouffante de sa chemise. Son large béret est agrémenté d’une grande plume rousse et blanche.
Lié au sacré depuis le Moyen Age, le thème musical apparaît dans la peinture profane dès la Renaissance Italienne. Caravage aborda le sujet lorsqu’il séjourna chez le cardinal Del Monte en réalisant Le Joueur de Luth (v. 1596, Saint-Pétersbourg, Ermitage ; v. 1600, New York, MOMA) ou Le Concert de musiciens (1595-1596, New York, MOMA) ; les caravagesques s’en inspirèrent et représentèrent souvent des musiciens assis ou attablés dans un cabaret, car parallèlement à la représentation de l’Ouïe, le luth symbolise aussi la Luxure.
Ter Brugghen a lui mis en scène des joueurs de flûte (1631, Kassel, Staatliche Museen), de cornemuse (1624, Cologne, Wallraf-Richartz Museum), de viole (Windsor, collections royales) ou de luth (1624, Londres, National Gallery ; 1628, Paris, musée du Louvre) dont celui de Bordeaux. Cette dernière est issue d’un dessin préparatoire perdu (anciennement conservé à Berlin) dont proviennent aussi les versions du Davenport Museum of Art et du musée national des Beaux-Arts d’Alger. Après confrontation entre ces œuvres, Olivier le Bihan donne la primauté à la version de Bordeaux.
Après un apprentissage chez son compatriote Abraham Bloemaert (1564-1651), Ter Brugghen partit en Italie où il séjourna de 1604 à 1614 et où il semble avoir rencontré Caravage ou tout au moins ses disciples directs dont Orazio Gentileschi. Aucune œuvre de cette période n’est conservée, la première datée et signée est de 1616, Saint Pierre repentant (Utrecht, Centraal Museum), les autres sont de la fin de sa carrière. A partir de 1621, l’artiste privilégia les scènes religieuses et les joueurs d’instruments en s’inspirant pour celles-ci des compositions de Gentileschi et de Bartolomeo Manfredi (1582-1622). Son caravagisme très personnel, parfois archaïque ou lyrique, met en scène des musiciens sur des fonds neutres dont la platitude et le ton assourdi sont brisés par le relief de larges manches bouffantes, rayées de subtiles nuances colorées.
Avec Gerrit van Honthorst (1590-1656) et Dirck van Baburen (v. 1595-1624), Ter Brugghen est l’un des plus brillants maîtres du caravagisme nordique.