Anton van DYCK, "Portrait de Marie de Médicis"
(Anvers, 1599 – Londres, 1641)
Portrait de Marie de Médicis
1631
Huile sur toile.
Hauteur 225 cm. Largeur 140 cm.
Historique : Ancienne collection Mazarin. Ancienne collection de Louis XIV . Envoi de l’Etat, 1803.
Dans ce Portrait de Marie de Médicis, Van Dyck compose une subtile et inédite mise en scène de la grandeur et de la dignité de la reine déchue face à l’adversité. Marie de Médicis, sobrement vêtue de noir, est placée à l’entrée d’une grotte ouvrant sur une vue d’Anvers où l’on reconnaît le fleuve l’Escaut et le château fortifié du Steen et la haute tour de la cathédrale. Elle est représentée assise sous un dais noir, symbole de la reine veuve, tenant des roses dans la main droite. A ses pieds, un petit épagneul souligne sa fidélité à Louis XIII tandis qu’à sa droite, la couronne de France, posée sur une petite table, rappelle son rang malgré l’exil. Le rocher de la grotte peut symboliser la force du modèle ou sa solitude, à l’image de la Madeleine dans le désert.
Après la « Journée des dupes » (10-11 novembre 1630) qui voit la victoire du cardinal de Richelieu sur la reine mère Marie de Médicis, cette dernière fuit le royaume et se rend en Flandres auprès de l’archiduchesse Isabelle à Bruxelles. En 1631, elle réside à Anvers avant de voyager en Angleterre puis en Allemagne. Réfugiée auprès des ennemis de la France, elle perd son statut royal et ses pensions. C’est dans la maison de Cologne prêtée par Rubens qu’elle meurt le 3 juillet 1642.
Au cours de son séjour anversois, elle visite l’atelier de Van Dyck, réputé internationalement depuis son premier séjour en Angleterre en 1627, et lui commande alors son portrait. A la mort de la reine, l’œuvre intègre les collections de Charles Ier d’Angleterre, puis celles du cardinal Mazarin qui l’offre à son filleul Louis XIV. Conservée au 18e siècle à Versailles, elle fut transférée au Louvre sous la Révolution puis envoyée à Bordeaux.
Les Flamands Frans Pourbus le Jeune (v. 1569-1622) et Pierre Paul Rubens (1577-1640) avaient déjà représenté la reine pendant sa régence dans des portraits d’apparat (vers 1609-1610, Paris, Louvre) ou allégoriques (Le Bon gouvernement, vers 1625, Blois ; Vie de Marie de Médicis en Bellone¸1622-125, Paris, Louvre). Mais le portrait de Van Dyck donne l’image inédite d’une reine déchue.
Proche de Rubens et inspiré par l’école italienne, Van Dyck mit au point son propre style à mi-chemin entre l’héritage de son maître et le modèle du Titien. Il réalisa de nombreux portraits de nobles génois puis anglais dans lesquels il mettait toujours en valeur la primauté de leur position sociale.
La facture de ce tableau est brillante : le noir profond de la robe s’allie harmonieusement au rose délicat des fleurs tandis que le visage et les mains sont traités avec souplesse dans une carnation brillante. La lumière et les couleurs mordorées rappellent les peintres vénitiens du siècle précédent que Van Dyck connaissait notamment par la collection personnelle de Rubens.
Alors qu’il peignait ce portrait dont il existe des copies en buste (Lille, musée des Beaux-Arts et collections anglaises), Van Dyck achevait son second séjour anversois avant de partir en Angleterre à la fin de mars 1632. Délaissant le faste des portraits italiens, il recentra ses œuvres sur une simplicité de composition où il privilégia l’étude psychologique approfondie de ses modèles (Portrait d’un sculpteur, 1627-1629, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts ; Portrait de Maria de Tour et Taxis, 1629-1630, Vienne Lichtenstein Museum).