Pieter Fransz. DE GREBBER, "Bethsabée au bain"
(Haarlem, vers 1600- Id.,1652/1653)
Bethsabée au bain
Monogrammé en bas à droite : P.DG.
Huile sur toile.
Hauteur 103 ; Largeur 85 cm
Historique : Ancienne collection F.-E. Duclos. Achat de la Ville, 1868.
Un rayon de soleil éclaire une jeune femme blonde assise au centre de la composition, son pied droit reposant sur son genou gauche. Elle occupe tout l’espace fermé d’un simple mur et esquisse un mouvement vers la gauche, en se tournant vers une vieille servante positionnée dans l’ombre derrière elle. Celle-ci lui lit une tablette de cire et désigne, dans son dos, une direction opposée à leurs regards. La jeune femme est à demi dévêtue, porte une chaîne et un pendentif, son sein gauche est libéré par une étoffe rayée bleu et rouge tombant sous la poitrine, mais retenue sur son bras droit.
A gauche, on devine un collier de perle posé sur l’étoffe de bain vert sombre.
Le sujet de cette peinture est emprunté à l’Ancien Testament (Deuxième Livre de Samuel, 11), rappelant la passion que le vieux roi David nourrit envers Bethsabée, épouse de son officier Urie, après l’avoir aperçue prenant son bain. Ayant appris la grossesse de Bethsabée, David renvoya Urie au combat où ce dernier trouva la mort. Une fois le deuil passé, il fit chercher Bethsabée, l’accueillit dans sa maison et l’épousa avant la naissance d’un premier fils.
Les artistes représentèrent surtout Bethsabée au bain tenant une lettre, la plus célèbre version restant celle de Rembrandt (1654 au Louvre). Ce sujet constituait souvent un prétexte pour peindre la nudité féminine, avec une approche parfois voyeuriste.
L’épisode de la lettre fut ajouté au récit biblique par les peintres de la Renaissance. Mais, au traditionnel parchemin, Pieter de Grebber représente ici une tablette de cire dans les mains de la servante. Ce détail révèle l’exigence nouvelle d’un genre historique dans lequel l’artiste hollandais excellera, à la fois comme peintre et comme théoricien.
L’originalité de cette représentation de Bethsabée réside surtout dans le choix de Grebber à renoncer à toute préoccupation décorative en réduisant la scène à l’essentiel. L’intérêt se concentre alors sur l’effet que la déclaration d’amour produit sur Bethsabée. La suggestive nudité de celle-ci est renforcée par sa bouche un peu molle et la rondeur de son visage encadré de cheveux blonds et fins. Le collier de perles posé bien en vue près de Bethsabée fait double emploi avec le pendentif qu’elle porte au cou. Artifice de séduction, la perle est l’emblème des femmes dont la vertu n’est pas infaillible. Aussi, la perle, dont l’éclat s’altère avec le temps, offre l’image d’une beauté fragile que le contraste de la fraîcheur de Bethsabée avec le visage ridé de la servante rend implicite. Le bijou est à la fois un signe de luxure et de vanité.
Après une formation auprès de Hendrick Goltzius, Pieter-Fransz De Grebber devint « franc maître » à la Guilde de Saint-Luc de sa ville natale de Haarlem. Pour une clientèle essentiellement catholique, il pratiqua une peinture généralement claire, avec un modelé souple et rond qui permet de valoriser ses personnages ; le tableau de Bordeaux en est un bel exemple. En dépit de ses liens avec le milieu de Rembrandt, son art perpétue un maniérisme assagi. On trouve également l’influence de Rubens et de Jordaens dans sa peinture d’histoire et sa peinture décorative.