Benjamin Gerritsz. CUYP, "L’Adoration des bergers"
(Dordrecht, 1612 – id., 1652
L’Adoration des bergers
Huile sur bois.
Hauteur 80 cm. Largeur. 65 cm.
Historique : Ancienne collection Lacaze. Achat de la Ville, 1829.
L’Enfant Jésus repose éveillé dans une mangeoire en bois remplie de paille. Sur la gauche, un peu à l’écart, se tient Marie habillée d’un manteau rouge drapé sur une robe bleue. Ses cheveux blonds sont retenus par un foulard blanc. Joseph est assoupi contre un poteau, sa main gauche dirigée vers la tête de l’enfant. Un vieux berger s’est agenouillé et a enlevé son chapeau pour adorer le nouveau-né. A côté de lui, des animaux, deux chèvres, un mouton, un chien et une paire de bœufs, ainsi que d’autres bergers assistent à la scène, sous une nuée de putti.
Cuyp témoigna de sa prédilection à représenter la Nativité, surtout l’Adoration des bergers avec une trentaine de versions connues mais difficilement datables. Un détail est inhabituel : le crâne animal accroché au poteau, sans doute une allusion à la Mort et à l’Impureté que le Christ vaincra. En revanche, saint Joseph est représenté en vieil homme endormi (image de sa mort prochaine ?), sous ses outils de charpentier posés dans un panier accroché au poteau. Les animaux rappellent la future mission pastorale de l’enfant mais l’âne est absent.
L’existence de plusieurs répliques fidèles de cette composition bordelaise atteste de son importance particulière. Cependant, ni la version sur toile du musée du Prado, ni celle sur panneau passée en vente à Munich en 1985 ne rivalisent par leur exécution avec l’exemplaire bordelais. Un repentir qui est encore visible sur celui-ci, témoigne de son antériorité.
La composition, légèrement désaxée sur la gauche, n’offre aucune profondeur. Cuyp regroupe les quatre personnages principaux dans l’angle inférieur gauche et place dans l’espace ainsi libéré les animaux, les bergers, les angelots et la haute structure de la crèche.
C’est vers cet angle que le peintre dirige le rayon lumineux qui vient de la gauche et qui introduit la dimension sacrée dans une scène tendant vers le genre profane. Cette lumière souligne l’intimité de cette adoration, le recueillement des personnages et l’attitude dévote d’un des bergers alors que les autres descendent un escalier et montrent leur émerveillement par des gestes démonstratifs.
Lors de son acquisition par la Ville en 1829, ce tableau présentait l’estimation la plus élevée de la collection du marquis de Lacaze qui le considérait comme une œuvre autographe de Rembrandt. Ce fut le conservateur bordelais Emile Vallet qui le donna à Cuyp en 1882.
La méprise de Lacaze s’explique par l’appartenance de Cuyp au courant rembranesque et par son clair-obscur, son chromatisme à dominante brune et cette lumière dorée qui rappellent le maître d’Amsterdam.
Pourtant, le peintre avait commencé sa carrière chez son frère aîné Jacob (1594-1652) qui pratiquait une peinture bucolique, avec des bergers ou des enfants, traitée avec des couleurs délicates. Mais, dès son accession à la Gilde de Dordrecht en 1631, Cuyp se tourna vers le luminisme particulier du milieu rembranesque et s’inspira des intérieurs pittoresques de granges ou de caves imaginés par Adriaen van Ostade (1610-1684).
Comprenant quelques paysages et combats de cavalerie (Lille, palais des Beaux-Arts), l’œuvre de Cuyp reste surtout connue pour ses scènes bibliques dont l’œuvre bordelaise constitue un bel exemple.