Picasso : une nouvelle dation
Exposition du Musée des Beaux-Arts présentée à la Galerie des Beaux-Arts du 3 mai au 30 juin 1991, elle est accompagnée de Picasso vu par les photographes au Musée des Beaux-Arts (salle Chaval)
Extrait de la préface du catalogue par Jack Lang, Ministre de la Culture, de la Communication, des Grands Travaux et du Bicentenaire et Michel Charasse, Ministre délégué chargé du Budget.
"En 1945, au sortir de la Guerre, les collections publiques françaises ne possédaient que trois peintures de Picasso. L'une était le Portrait de Gustave Coquiot, de 1901, conservée au Musée du Jeu de Paume des Tuileries, les deux autres, la Femme lisant de 1920 et l'Enfant et la poupée de 1900-1901, conservées au Musée de Grenoble.
Encore, de ces trois œuvres, les deux premières avaient-elles été données, la première par la veuve du critique, la seconde par l'artiste. Picasso avait ainsi voulu saluer le courage d'André Farcy, qui avait eu, seul de son temps, la sagacité d'acquérir la troisième. C'était peu. Ce n'était rien face aux richesses que déployaient dans le même temps les musées suisses, américains ou soviétiques, enrichis de la connaissance d'un Alfred Barr ou des collections privées de Morozov et de Chtcoukine. Ce n'était pas non plus acceptable. Dans les deux ans qui précédèrent l'ouverture du musée national d'art moderne, retardée par les événements depuis 1937, la complicité qui unissait Jean Cassou et Georges Salles, alors Directeur des Musées de France, et leur commune amitié pour Picasso, firent qu'au fil des mois, la générosité attentive de l'artiste fit entrer dans le patrimoine dix toiles qu'il choisira dans sa collection personnelle, au nombre desquelles quelques chefs-d’œuvre.
A sa suite, au cours des années, toute une pléiade de collectionneurs eut à cœur d'enrichir ce noyau initial : Paul Eluard, Paul Rosenberg, D. H. Kahnweiler, la Baronne Gourgaud, Jeanne et André Lefèvre, Georges Salles, Marie Cutolli, Henri Laugier, Louise et Michel Leiris enfin, dont on put admirer la donation au Centre Pompidou en 1984.
Entre-temps, la fameuse loi du 31 décembre 1968 sur les dations, imaginée par André Malraux, avait multiplié les possibilités d'enrichissement du patrimoine. La présentation au Grand Palais il y a onze ans, de la première dation Pablo Picasso est encore dans les esprits. D'un seul coup, 203 peintures, 158 sculptures, 16 papiers collés, 29 tableaux-reliefs, 88 céramiques, plus de 3 000 dessins et estampes, 32 carnets de dessins, des livres illustrés, des manuscrits, une partie de la collection d'art primitif de l'atelier de Picasso, entraient dans les collections, venus en paiement des droits de succession.
L'ouverture du musée national Picasso, en 1.985, consacrait la mutation qui s'était opérée en un peu plus de trente ans et qui, de l'indigence extrême, avait mené à la plénitude. Quel pays ne nous aurait pas envié cette soudaine et fabuleuse richesse ?
Mais la richesse, si grande soit-elle, appelle elle-même la richesse. La nature d'une collection, sa genèse, la façon qu'elle a de se développer, de s'enrichir au gré des années, de grandir inopinément, de surprendre l'amateur qui la parcourt, ressemble à bien des égards à la genèse d'une œuvre, à la façon qu'elle a, toujours insatisfaite, de se relancer, de s'amplifier, de déconcerter et de ravir. Ainsi de Picasso qui n'accumulait, ne reprenait, ne multipliait, et finalement n'emplissait son atelier que pour, l'abandonnant tel quel, recommencer ailleurs son immense et inépuisable labeur. Ainsi des collections de ses œuvres, telles qu'on les voit aujourd'hui, dans les différents musées qui les conservent.
Onze ans après la première dation, c'est une autre dation qui se propose à nous. Moins nombreuse assurément que la première, elle est tout aussi passionnante et émouvante.
C'était le vœu de la dernière épouse du Maître, Jacqueline Picasso, fidèle à sa mémoire jusque dans sa fin tragique, que fût offert au public, la possibilité de connaître une part de ce qu'avaient été, dans sa demeure, les œuvres qui avaient accompagné ses dernières et douloureuses années. C'est à grâce à sa fille, Madame Catherine Hutin-Blay, à qui nous rendons ici hommage, que ce vœu se réalise. C'est en plein accord avec les responsables que les choix ont été faits et complétés."
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