Jean Louis Ernest MEISSONIER, "Cheval au trot"
(Lyon, 21 février 1815 – Paris, 31 janvier 1891)
Cheval au trot
Bronze fondu d’un seul jet avec patine par oxydation
40 x 60 cm
Fondeur – éditeur : Siot-Decauville, n°1.
Ce Cheval au trot, la crinière au vent, montre l’intérêt du peintre pour la reproduction la plus exacte possible des allures équestres. Bien avant les travaux scientifiques de Jules Marey (1830-1904), l’inventeur du fusil photographique qui permet de photographier un être sur douze poses, et bien avant la publication des œuvres du photographe Eadweard Muybridge (1830-1904), à partir d’octobre 1878, dans la presse française, Ernest Meissonier chercha à saisir le mouvement de l’animal dans sa réalité et non plus dans son apparence, telle qu’elle pouvait être perçue par l’œil humain.
Médaillé à plusieurs reprises au Salon, Meissonier est surtout connu de ses contemporains grâce à sa peinture. Le public ne découvrit l’ensemble de ses œuvres sculptées qu’après sa mort, en 1893, à l’occasion de deux expositions posthumes : l’une à la galerie Georges Petit où figuraient onze cires et l’autre à l’Ecole des Beaux-Arts où n’étaient exposés que des bronzes. En 1894, la fonderie Siot-Decauville, avec l’aide de Georges Petit (1856-1920), commença à faire fondre en bronze d’un seul jet, avec des patines réalisées par oxydation, les cires que lui avait confiées le fils de l’artiste, Charles Meissonier. Ces éditions figurèrent à Bordeaux lors de l’Exposition philomathique de 1895. A cette occasion, la ville de Bordeaux acheta quatre bronzes : Le Cuirassier, Napoléon 1er en 1814, le Voyageur et le Cheval au trot.
L’exactitude des détails des scènes figurées était le souci majeur de Meissonier. Il multipliait les études, tant dessinées que peintes, mais aussi sous forme de statuettes de cire. Celles-ci l’aidaient à construire et à composer ses œuvres peintes. Rien n’est laissé au hasard d’une impression. En effet, chacun des éléments qui se retrouvaient sur ses toiles avait été l’objet au préalable d’une étude spécifique. Ainsi, le Cheval au trot fut modelé pour la peinture 1807, Friedland, présentée à Paris au Salon des Artistes Français de 1875 et conservée aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York.
L’historien d’art Léonce Bénédite (1856-1925) relate que Meissonier, dans ce désir de réalisme, « s’était fait établir, par réduction mathématique, un petit squelette de cheval parfait. […] Ces petits squelettes articulés servaient d’armature aux maquettes en cire qu’il se plaisait à faire. […] Il y prit un certain goût pour la sculpture et a exécuté quelques morceaux qui montrent ce dont il est capable. » [1]. Nous en avons un exemple ici, d’autant plus remarquable que tout ce travail préparatoire n’apparaît pas et ne nuit donc pas à la spontanéité de l’exécution. Du même coup, Meissonier rejoint les meilleurs animaliers de son temps qui, pour la première fois, ont su exprimer le caractère profond de l’animal représenté au lieu de le transformer en concept décoratif. L’aspect authentique est renforcé par l’absence de piédestal ; l’œuvre n’est plus isolée dans un monde fictif mais s’insère dans la vie quotidienne. C’est ce que voudra Rodin pour son groupe des Bourgeois de Calais (1895, musée Rodin, Paris).[2]
[1] D’après les recherches menées par Evelyne Helbronner (thèse de doctorat, Paris IV, 2003).
[2] Catalogue de la sculpture française de 1850 à 1914 dans les musées et collections publiques du nord de la France.