Tiziano Vecellio dit TITIEN, Tarquin et Lucrèce
(Pieve di Cadore, vers 1489 - Venise, 1576)
Tarquin et Lucrèce
Huile sur toile. Hauteur : 193 cm. Largeur : 143 cm.
Historique : Ancienne collection du cardinal Mazarin. Ancienne collection de Louis XIV. Envoi de l’Etat, 1805.
Une femme nue se dresse dans son lit aux draps défaits ; elle se débat avec un homme qui l’a agrippée par le bras et la menace en brandissant un poignard à la lame recourbée. Elle tente de le repousser et son regard est tourné vers le spectateur. L’homme porte un costume oriental, une chemise blanche aux manches relevées, un gilet brodé et une culotte bouffante rouge.
Cette scène évoque le viol de Lucrèce par Tarquin, relaté dans les histoires romaines de Tite-Live (59 av. J.-C.-17 ap. J.-C.), Ovide (43 av. J.-C.-17 ap. J.-C.) et Boccace (1313-1375). Le double drame de Lucrèce, son viol puis son suicide, provoqua à Rome la chute de la royauté étrusque des Tarquin en faveur de la République, même si l’héroïne incarnait aussi un idéal de vertu conjugale.
Les deux grandes diagonales des corps des protagonistes impriment tout son mouvement à la scène. Elles sont contrebalancées par les horizontales du lit et la verticale du bras droit de Lucrèce. Titien emploie des couleurs chaudes et sombres (bruns, rouges et ocre), caractéristiques de ses œuvres de vieillesse. Elles mettent en valeur la blancheur des draps et de la chemise de Tarquin, ainsi que la couleur nacrée du corps de Lucrèce. Les contours ne sont pas rendus précisément laissant la couleur créer les volumes.
Unique tableau autographe de Titien dans les collections du musée, Tarquin et Lucrèce témoigne, malgré son usure, de la grande modernité technique et de la liberté d’interprétation de celui qui fut le peintre majeur de l’école vénitienne du XVIe siècle. Deux autres versions, à peu près contemporaines (entre 1570 et 1575), appartiennent au Fitzwilliam Museum de Cambridge et à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne.L’œuvre de Titien est marquée par une recherche toujours plus audacieuse de l’intensité dramatique, grâce à l’exaltation des tons, aux effets de perspective et, comme ici, à l’expression des mouvements. Sa vision forte et personnelle en fait un des génies de la peinture que l’on peut comparer au siècle suivant à Rembrandt.