Achat de la Ville : Albert Marquet - Dessin érotique

Albert Marquet (1875-1947)

Albert Marquet
Dessin érotique, vers 1920
Encre de Chine sur papier
20,6 x 26,4 cm
Achat de la Ville de Bordeaux, 2022

 

Réalisé vers 1920, ce dessin d'un nu érotique du célèbre Bordelais Albert Marquet est actuellement présenté provisoirement sur les cimaises de l'aile Bonheur du musée, avant de rejoindre le Cabinet d'arts graphiques pour des raisons de conservation.

L’acquisition de ce dessin à l’encre de Chine vient consolider le fonds de référence sur l'artiste, qui tient une place importante les collections de peintures XXe et du cabinet d’art graphique du musée. Toutefois, le musée ne conservait jusqu'à présent aucun dessin sur ce sujet précis.
La production d’œuvres à thèmes érotiques et saphiques représente un pan méconnu de la carrière et de la personnalité discrète de Marquet, davantage connu pour ses paysages fluviaux et portuaires. L’érotisme du corps le fascina pourtant depuis ses plus jeunes années, fréquentant les maisons closes dès 1909. La plupart de ses œuvres à sujets érotiques ont été réalisées avant son mariage en 1924.
 
Albert Marquet
Elève de Gustave Moreau à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, Marquet y rencontre Georges Rouault (1871-1958), Henri Manguin (1874-1949), Charles Camoin (1879-1965) et Henri Matisse (1869-1954) avec lequel il entretiendra une profonde et longue amitié. Leur professeur décrit par ses élèves comme un « grand éducateur respectueux de chaque individu » leur conseille d’être avant tout eux-mêmes et de prendre modèle sur les Anciens.

Albert Marquet pratique donc le dessin comme un exercice en soi. Son regard aigu et précis le mène à croquer sur le vif des scènes de rue, de façon elliptique et sans concession, au crayon noir, au fusain, au pastel ou à l’encre de Chine appliquée à la plume plus ou moins large, au pinceau ou avec un roseau. L’artiste excelle dans l’art d’abréger avec un trait ferme et incisif, de découper et de simplifier les formes. Il conjugue avec brio la mémoire immédiate, la spontanéité du geste et l’humour. En quelques coups de pinceau, il représente un homme poussant sa charrette, une femme mettant ses bas, un homme heureux ou encore des danseurs. Ses autoportraits et ses passants exécutés avec une écriture synthétique, expressive restituent la vie et le mouvement.

Albert Marquet ne travaille pas sans relâche : il aime s'amuser et a une vie sociale bien remplie. En 1908, il reprend le bail du petit logement-atelier, libéré par Matisse en face de chez lui, quai Saint-Michel à Paris. Cet hiver-là, l’artiste renoue avec l'étude du nu, délaissée depuis ses années d'école, puis entreprend, en 1911, une série complète qu’il peint en atelier. Parmi ses modèles, Ernestine Bazin, dite Yvonne, est une jeune femme vive et délurée qui le fait rire. Bien qu'il ne semble pas éprouver beaucoup d'amour pour elle, ils se fréquentent et séjournent en ménage jusqu'en 1922. Elle lui inspire des toiles dont l'érotisme frontal rompt avec les poses plus convenues des modèles académiques.

En parallèle, Marquet assiste à de nombreuses scènes joyeuses dans les maisons closes qu’il fréquente, inspirant plusieurs tableaux et une série de dessins érotiques plus ou moins crus, réalisés à l'encre jusque dans les années 1920 (tel que Scène de maison close). Ces dessins nourriront l’ouvrage intitulé L'Académie des dames, publié en 1930 et paru clandestinement. Les dessins sont précédés du poème Printemps de Paul Verlaine. Il s’agit d’un portefeuille de 20 lithographies créé à partir de ses dessins érotiques, illustrant des amours saphiques, au travers de vingt attitudes, ainsi que le précise le sous-titre qui l’accompagne.

Albert Marquet
Scène de maison close, 1921
Plume et encre sur papier
10,5 x 15,8 cm
Legs Launois, 1994

Sa carrière lancée, Marquet rayonne entre Paris, La Frette, le long de la Seine, et le sud de la France (Marseille, Saint-Tropez, parfois Arcachon et Bordeaux), et bientôt l’Algérie où il séjourne régulièrement à partir de 1920 pour fuir l’hiver parisien, et où il rencontrera sa femme, Marcelle Marquet.
 
Marquet dans la collection du musée
Souvent sollicité pour des prêts en France (comme pour la rétrospective du musée d'Art moderne de la Ville de Paris en 2016) et à l’étranger, l’exceptionnel fonds Albert Marquet du musée est aujourd’hui riche de 124 œuvres. Il est composé de 47 peintures, couvrant les différentes périodes de la carrière de l’artiste, 86 œuvres graphiques dessins et estampes), 4 carreaux de céramique, et des livres illustrés. Ce fonds, constitué par un achat important de 36 toiles par la Ville de Bordeaux en 1958 et 1960, s’est aussitôt enrichi du don au musée de Bordeaux de 50 des plus beaux dessins de sa collection et de livres illustrés par son épouse Madame Marcelle Marquet. Elle souhaita également que la donation faite aux musées nationaux à la mort de son mari revienne à Bordeaux. Le fonds Marquet n’a cessé de s’enrichir depuis.
 

Dix œuvres graphiques de modèles féminins nus d’Albert Marquet, parmi les 50 du don Marcelle Marquet en 1960 et 1962 au musée des Beaux-Arts de Bordeaux :

   

   
1 : Nu au tabouret, 1908, encre de Chine au pinceau sur papier.
2 : Femme aux longs cheveux, vers 1900, encre de Chine au pinceau sur papier.
3 : Le repos du modèle, 1912, encre de Chine à la plume sur papier.
4 : Nu à la chaise, 1912, encre de Chine au pinceau sur papier.
5 : Nu debout, 1912, encre de Chine sur papier.
6 : Femme marchant, 1912, encre de Chine au pinceau sur papier.
7 : Femme cousant, 1912, encre de Chine au pinceau sur papier.
8 : Femme se coiffant, 1918, encre de Chine au pinceau sur papier.
9 : Femme mettant ses bas, 1918, crayon noir sur papier.
10 : Femme assise nu de dos, sans date, lithographie sur papier.
Albert Marquet, Dessin érotique, encre sur papier, vers 1920

Albert Marquet, Dessin érotique, encre sur papier, vers 1920