Achat de la Ville : Edgard Maxence - Visage d'enfant parmi les fleurs
Edgard Maxence (Nantes,1871- La Bernerie-en-Retz,1954)
Visage d’enfant parmi les fleurs, non daté.
Sanguine et rehauts de gouache blanche sur papier
H. 31,9 cm x L. 25 cm
Achat en 2020 à la Galerie Mathieu Néouze, Paris
À la fois par l’iconographie et par la période stylistique à laquelle il appartient, ce dessin d’Edgard Maxence vient admirablement enrichir le fonds d’art graphique du musée et prend aujourd’hui place au sein du parcours permanent aux côtés d’une autre œuvre de l’artiste, Le livre de Paix, tableau acquis en 1932 au Salon de la Société des Amis des Arts de Bordeaux.
Visage d’enfant parmi les fleurs, non daté.
Très jeune, Edgard Maxence, déjà talentueux portraitiste, s’est démarqué de ses contemporains par son goût pour les portraits féminins. Avec ce portrait empreint d’une grâce juvénile, titré Visage d’enfant parmi les fleurs, c’est une image hors du temps qu’il trace ici. Sa parfaite maîtrise de la technique du dessin à la sanguine contribue à l’expression de sérénité du visage enfantin au regard grave, à la douceur poétique et à la beauté de l'instant suspendu.
L’innocence de l’enfance est rendue par le modelé délicat du visage de la petite fille que permet la sanguine tandis que les rehauts de gouache blanche, colorés d’une gamme chromatique raffinée, définissent la profondeur de l’espace onirique qui l’entoure : motif d’architecture avec des colonnes à l’arrière-plan et « cotonneuses » fleurs ciselées au premier plan.
Ce dessin est caractéristique des créations de l’artiste dans lesquelles s’exprime l’influence de la contemplation des œuvres de son maître Gustave Moreau. Cependant, c’est plutôt vers une vision de l’enfance à rapprocher de celle d’Odilon Redon que ce dessin nous transporte. En effet, Redon a représenté à de nombreuses reprises, dans un espace presqu’abstrait seulement peuplé de fleurs et de motifs végétaux, l’immanence de jeunes visages aux joues plus ou moins arrondies, figés dans le hiératisme.
Edgard Maxence
Né à Nantes dans une famille aisée, rien ne le destine à une vocation artistique. Sa scolarité achevée, il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de la ville dans l’atelier d’Alexandre Chantron. En 1891, il est reçu au concours de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et intègre l’atelier de l’artiste nantais Jules-Elie Delaunay puis, à la mort de celui-ci quelques mois plus tard, rejoint l’atelier de Gustave Moreau. La rencontre avec ce dernier est décisive. Dans la correspondance que Maxence entretient avec son maître jusqu’à la mort de ce dernier, il sollicite ses conseils, parfois son aide, et Moreau, en retour, l’encourage et le félicite pour ses succès au Salon.
L’artiste expose pour la première fois au Salon des Artistes Français en 1894, et reste fidèle à l’institution en y participant chaque année ou presque jusqu’à sa mort. Si les premières œuvres présentées au Salon sont essentiellement des portraits, Edgard Maxence montre également son goût pour les scènes médiévales allégoriques. Il privilégie les sujets évoquant sa Bretagne natale qu’il imprègne d’une grâce et d’un mystère préraphaélites. Les images qu’il crée, mystiques, semblent appartenir à un monde ancien peuplé de femmes en prière dans des intérieurs d’église ou devant des paysages silencieux. Beaux et distants, éthérés mais séduisants, leurs visages sont élégamment cernés par de traditionnelles coiffes bretonnes, dénominateur commun de la culture chrétienne et des racines celtiques chères à l’artiste.
Au tournant du siècle, l’artiste est au faîte de sa gloire. L’État lui achète L’Âme de la forêt (tempera et feuille d’or sur bois, musée des Beaux-Arts de Nantes), œuvre exposée au Salon de 1898 ; puis il obtient une médaille d’or à l’Exposition décennale de 1900 avec Les Fleurs du lac (tempera sur panneau, collection particulière).
Les années d'après 1900 ont surtout été marquées par une période plus « alimentaire » - il se marie en 1897 - qui l’amène à produire, lui l'homme peu attiré par les mondanités et pourtant issu d'un milieu aisé, de nombreux portraits de commande pour une bourgeoisie locale, nationale, voire internationale, où le symbolisme n'est pas encore totalement absent. Bien qu’il doive sa renommée à ses visions allégoriques et légendaires, Maxence s’avèrera également un excellent portraitiste, comme le critique Roger Grand le remarque « Même dans ses plus grands tableaux, la partie la plus importante est toujours la tête et ses compositions ne sont guère que d’habiles et ingénieux groupements de portraits » (R. Grand, « Un peintre nantais », La revue nantaise, 1er avril 1898).
Jusqu’à sa mort en 1954, Maxence, dont l’univers personnel reste mystérieux et fascinant, multiplie ces images intemporelles, insensible aux critiques et à l’évolution de l’art moderne.
Cet artiste a fait l’objet en 2010 d’une première exposition monographique par sa ville natale de Nantes. Cela a permis de redécouvrir et de réévaluer son œuvre longtemps méconnue. La récente préemption d'un magnifique panneau inédit, Jeune femme jouant de la mandore par le musée du Petit Palais témoigne enfin de cet intérêt renouvelé pour Edgard Maxence.