Achat de la ville : Jean-Michel Gué - Le Repos en Égypte
Julien-Michel Gué, (1789, Le Cap – 1843, Paris)
Le repos en Égypte
1841
Huile sur panneau , 70 x 52,2 cm
Le repos en Égypte de Julien-Michel Gué a récemment rejoint les collections du musée des Beaux-Arts. Cette œuvre de maturité et rare exemple de la production religieuse de l’artiste, permet d’enrichir le parcours permanent, apportant un éclairage essentiel sur cet acteur de l’histoire de Bordeaux et du musée.
Le musée possède en effet plusieurs œuvres de la famille Gué. Julien-Michel Gué, artiste qui fit son apprentissage auprès de Pierre Lacour, est aussi représenté dans les collections avec son œuvre exposée au Salon de 1815, Briséis pleurant la mort de Patrocle (Bx E 369). La composition en frise, inspirée par ses maîtres Lacour et David, illustre le talent du jeune artiste qui excellait tant dans les sujets profanes que sacrés, comme en atteste l’œuvre : Jésus devant Caïphe (Bx E 689) qui fut achevée par son neveu et élève, Jean-Marie Oscar Gué (1809-1877) qui devint le directeur du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux de 1859 à 1877.
Julien-Michel Gué, Briséis pleurant la mort de Patrocle, 1815 © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Julien-Michel Gué et Jean-Marie Oscar Gué, Jésus devant Caïphe, 19e siècle © Musée des Beaux-Arts Bordeaux.
Le repos en Égypte
Exposée au salon de 1841, cette œuvre représente un épisode biblique tiré de l'Évangile selon saint Matthieu. Le roi Hérode, ayant appris par les Mages la naissance à Bethléem du « roi des Juifs », ordonne la mise à mort de tous les enfants de la ville de moins de deux ans. Joseph est averti en songe par un ange qu’il doit fuir la Judée pour rejoindre l’Égypte avec l’enfant Jésus et sa mère afin d’échapper au massacre.
Dans cette composition équilibrée, la Sainte Famille est figurée au premier plan. Les figures classiques et la gestuelle délicate évoquent par leur élégance les compositions de Raphaël, que Gué connaissait pour les avoir étudiées au Louvre mais aussi pour les avoir vues pendant son voyage en Italie.
Dans la lignée de son maître David, Gué atteste de sa volonté d’être conforme au texte historique suivant le goût pour les études archéologiques de l’époque. En effet, à l’arrière-plan se dressent les pyramides d’Égypte annonçant le futur sanctuaire de la famille. De même, l’espace pictural de la composition s’enrichit d’un palmier qui n’est pas seulement un artifice de décoration mais aussi une savante référence à l’évangile apocryphe du pseudo Matthieu retraçant l’enfance du Christ. La présence du palmier associée au traitement de la lumière du ciel blanc-beige pour évoquer la chaleur du désert était fréquente au début du siècle. Charles-Paul Landon et Jean Murat utilisèrent tous deux ce procédé, invitant le spectateur à rêver d’Orient.
Ces éléments inscrivent la composition dans le mouvement du renouveau de la peinture religieuse dans une veine orientaliste, qui débuta avec la monarchie de Juillet (1830-1848) encourageant les sujets bibliques et moralisateurs. La peinture dite éclectique de Julien-Michel Gué se rattache à la lignée des œuvres d’Horace Vernet (1789-1863) ou encore de Frédéric Schopin (1804-1880) qui traitèrent également des sujets bibliques intégrant eux aussi la couleur romantique et la rigueur classique de leurs enseignements académiques.
Biographie de Julien-Michel Gué
À la suite de l’assassinat de son père Jean-Baptiste Gué en 1794, Julien-Michel Gué quitta l’île de Saint-Domingue où il était né pour revenir à Bordeaux où était domiciliée sa famille. Très tôt, il montra un intérêt pour la peinture et suivit les cours de Pierre Lacour à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux.
En 1813, il rejoignit l’atelier de Jacques-Louis David à Paris où il tenta de remporter le Grand Prix de Rome mais fut classé troisième à trois reprises (La mort de Jacob en 1813 ; Briséis pleurant la mort de Patrocle en 1815 aujourd’hui dans les collections du musée des Beaux-Arts de Bordeaux et Œnone refuse de secourir Pâris au siège de Troie en 1816). Durant les années 1820, le contexte romantique amena le peintre à collaborer aux Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France du baron Taylor et à fréquenter l’Arsenal de Charles Nodier où il sa lia d’amitié avec Victor Hugo.
Durant cette même période, il se consacra aux décors de théâtre pour le Panorama Dramatique fondé par Jean-Pierre Alaux, son beau-frère depuis 1802. Pendant les années 1830, il réalisa quelques grandes compositions illustrant des épisodes de l’Histoire de France à la demande de Louis-Philippe pour Versailles. Il voyagea à travers l’Europe, visitant la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie où il se consacra aux paysages de villes ou de plein air. Il mourut en 1843 alors qu’il travaillait sur six tableaux religieux commandés par la reine Marie-Amélie pour la chapelle de Dreux.