Exposition d'Art Chrétien ancien & moderne
Musée des Beaux-Arts de Bordeaux du 12 avril au 12 mai 1947
"Une exposition d’art chrétien à Bordeaux
Le 12 avril, et pour un mois seulement, une exposition d’Art Chrétien doit avoir lieu au Musée de peinture de Bordeaux.
Cette exposition comprendra trois sections : les chefs-d’œuvre des églises du Sud-Ouest, l’art religieux contemporain bordelais, et enfin, une sélection d’œuvres venues de Paris et représentant les essais de « Renaissance de l’art religieux « tentés depuis une trentaine d’année autour de Maurice Denis et de Desvallières.
Au sujet de la première section qui réunira, nous en sommes sûrs, le maximum de suffrages et l’admiration, nous avons peu à dire - la garantie du Service de Classement des Monuments Historiques, et un choix rigoureux fait chez les amateurs d’art de notre région, son garants de son succès.
Au sujet de la seconde, l’art contemporain bordelais nous laisserons le public juge. Il n’en est pas de même de la troisième qui sera fort discutée.
Le sens de cette manifestation d’art religieux moderne risque d’être incompris, spécialement dans ses représentations figurés, sin nous n’en donnons pas la clé par avance.
En effet, quant on sort d’une période de représentation naturaliste des images religieuses, comme celle qui a régné depuis la première Renaissance - où la figuration la plus rapprochée du « canon humain », héritée de la Grèce classique, a été donnée comme modèle à imiter, on a perdu peu ou prou la clé des symboles.
Or, ce sont précisément des synthèses intellectuelles, disons plus simplement des « symboles », que nous allons avoir devant les yeux. Oublions donc pour un instant l’imitation de la nature, qui tend à abaisser nos approximations des mystères, au domaine de la photographie, pour juger ces représentations. Expérimentons ces nouvelles « échelles » offertes à nos méditations. Voyons, sans parti pris, ce qu’elles valent - à la manière dont les Byzantins, par exemple, ou les moines irlandais du VIe et du VIIe siècles, tirèrent parti d’un art conçu aux antipodes du naturalisme.
Nous sommes à une époque qui tient, par-dessus tout, au témoignage de ses yeux : le monde extérieur seul existe !
À la religion qui nous dit le contraire, nous avons adapté un art qui n’exalte que les données des sens !
L’attitude du public actuel est l’inverse de celle qu’il paraît avoir manifesté aux époques iconoclastes. Du VIIe au IXe, au XVIe siècle, le peuple prétendait ne pouvoir souffrir que les mystères de la Religion fussent présentés sous des traits humains. Aujourd’hui, le même public se scandalise parce qu’on cherche à luis traduire des vérités abstraites sous une forme abstraite ! Nous faisons appels aux Intellectuels pour raisonner cette attitude déraisonnable.
Depuis la Renaissance, on demande à l’artiste très peu de foi et beaucoup de technique. La défense des artistes chrétiens contemporains prétend que la fois, et la recherche de sons expression la plus adéquate, doivent primer.
Tel est le sens qu’il faut donner à ces images qui, évidemment, bousculeront un peu le « pot de fleurs » de notre quiétude visuelle."
Communiqué de Jean-Gabriel Lemoine, conservateur du Musée de Bordeaux.
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