Le Pérugin
Dans le cadre du 500e anniversaire de la mort du Pérugin, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux est fier de participer aux célébrations internationales commémorant le génie de cet artiste de la Renaissance.
Perugino (Pérugin)
Pietro di Cristoforo Vannucci dit, et son atelier
(Città della Pieve (Pérouse), 1446 - Fontignano, 1523)
Vierge à l’Enfant sur le trône entre saint Jérôme, saint Augustin, quatre anges et deux chérubins
Tempera et huile sur bois, transposées sur toile en 1928
H. 217 cm ; l. 185 cm
Envoi de l’État, 1803. Transfert de propriété de l’État français, 2012. Numéro d'inventaire : Bx E 22
PRÉSENTATION DE L'ŒUVRE
Qualifié de son vivant comme étant « le plus grand maître d’Italie », Pietro di Cristoforo Vannucci, dit Il Perugino, fut un artiste novateur. Durant sa carrière, il côtoya les plus grands peintres de la Renaissance, tels que Léonard de Vinci, Sandro Botticelli ou encore « il Divino » Raphaël qu’il compta parmi ses élèves et travailla pour les plus importants commanditaires de la Péninsule comme Laurent de Médicis à Florence ou encore le pape Sixte IV à Rome.
Ce fut néanmoins dans sa Pérouse natale qu’il travailla le plus, ce qui lui valut le surnom de « Il Perugino », comme en atteste La Vierge à l’Enfant sur le trône entre saint Jérôme, saint Augustin, quatre anges et deux chérubins qui fut réalisée pour l’église Sant’Agostino de cette ville. L’œuvre faisait partie d’un retable, soit un ensemble de tableaux destinés à orner le dessus d’un autel, exécuté pour le juriste Benedetto Capia, vers 1505, pour la chapelle dédiée à saint Nicolas de Tolentino.
Peinte comme un support à la méditation spirituelle, l’œuvre représente une sacra conversazione (ou conversation sacrée), thème iconographique qui émergea au début de la Renaissance en Italie du Nord. Elle met en scène des saints qui adressent leurs prières à des figures bibliques, proposant un modèle de dévotion au fidèle. Ici, la Vierge à l’Enfant est entourée de saint Jérôme lisant, vêtu de rouge et coiffé du chapeau cardinalice (à gauche) et de saint Augustin, portant la mitre, tenant un ouvrage théologique d’une main et la crosse de l’autre (à droite). Ils reçoivent, de la même manière que les spectateurs de l’œuvre, la bénédiction de l’Enfant Jésus, debout sur les genoux de sa mère. Le trône où siègent la Vierge et l’Enfant en majesté, dans l’axe de la perspective, présente un décor antiquisant : les pilastres à rinceaux, la coquille renversée (anciennement un attribut de Vénus, symbole de virginité, de beauté et d’amour) et la feuille de palmier qui couronne l’ensemble, symbole de la Résurrection. Son emplacement central, son architecture majestueuse et sa symbolique participent à rappeler le caractère céleste des figures qui l’occupent, également indiqué par la présence des chérubins et anges en prière, situés dans le ciel d’azur, signature de l’artiste.
L'ARTISTE ET SON ATELIER
Si la conception de la composition est due au Pérugin, le peintre reçut toutefois l’aide des membres de son atelier pour l’exécution du tableau. En effet, comme le voulait alors l’enseignement artistique, les élèves étaient chargés de peindre l’arrière-plan, les vêtements et les décors alors que les maîtres s’occupaient des visages, reflet de l’âme. Le nom d’un des élèves les plus talentueux du Pérugin, Giovanni Battista Caporali, a notamment été suggéré pour la réalisation du trône marial, particulièrement méticuleux.
L’œuvre, de par son iconographie et son emplacement initial, a été rapprochée par l’historien de l’art spécialiste du Pérugin, Pietro Scarpellini, de deux petits tableaux représentant Saint Nicolas de Tolentino sauvant un garçon de la noyade et Saint Nicolas de Tolentino ressuscitant deux perdrix, aujourd’hui conservé au Detroit Institute of Arts, aux États-Unis. Ces œuvres constituaient certainement la prédelle du retable, soit les peintures qui occupent l’espace inférieur du tableau d’autel (voir reconstitution proposée*). Notons, ici aussi, une collaboration entre maître et élèves. En effet, la facture un peu sèche et l’archaïsme dans le traitement des figures indiquent que ces deux compositions furent peintes par de jeunes apprentis, mais leur qualité n’enlève rien à l’harmonie de l’ensemble.
Reconstitution proposée du retable de la chapelle de Saint Nicolas de Tolentino de l’église Sant’Agostino de Pérouse, vers 1505.
L’œuvre du musée Beaux-Arts de Bordeaux (Bx E 22) occupait la partie supérieure du retable. Les deux petits tableaux formant la prédelle sont aujourd’hui conservés au Detroit Institute of Arts (États-Unis) et sont intitulés Saint Nicolas de Tolentino sauvant un garçon de la noyade (n° d’inv. : 27.10) et Saint Nicolas de Tolentino ressuscitant deux perdrix (n° d’inv. : 25.146).
Ce retable s’inscrit dans la lignée de nombreux autres que le Pérugin réalisa en Italie. La clarté de la composition propose un modèle d’équilibre à l’esthétique raffinée, sublimée par une lumière atmosphérique, l’emploi d’éléments architecturaux « à l’Antique » et la beauté de la figure humaine, révolutionnant ainsi l’art de la peinture avec un nouveau langage pictural et justifiant que le Pérugin fut adoubé, après sa mort, du titre de « Prince de l’art moderne ».
HISTORIQUE DE L'ŒUVRE
Dès le siècle suivant son installation dans la chapelle de Nicolas de Tolentino, La Vierge à l’Enfant sur le trône entre saint Jérôme, saint Augustin, quatre anges et deux chérubins connut une histoire mouvementée. La peinture et sa prédelle furent, en effet, transférées en 1653, d’abord sur un pilier à la croisée du transept de l’église Sant’Agostino, puis dans une autre chapelle de la même église, dédiée à San Tommaso di Villanova, où elle fut saisie en 1797 par les commissaires du Gouvernement français chargés d'enlever les œuvres d’art de Pérouse, en vertu du traité de Bologne signé en 1796 entre le pape Pie IV et le général Napoléon Bonaparte. Elle entra alors dans les collections publiques françaises et fut exposée au Muséum de Paris, puis envoyée à Bordeaux en 1803. Elle fut réclamée pour restitution en 1816 par Athanase Lavallée, secrétaire général du musée du Louvre, mais ses demandes furent refusées. En 2012, le tableau intègre officiellement les collections du musée des Beaux-Arts, par transfert de propriété des œuvres de l’État déposées à Bordeaux, où elle peut être maintenant admirée.
ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES DE L'ARTISTE :
Vers 1450
Naissance de Pietro Vanucci dit le Pérugin (Il Perugino) en Ombrie, à Città della Pieve, à proximité de Pérouse.
1472
Étudie dans le prestigieux atelier d’Andrea del Verrocchio à Florence, aux côtés de Léonard de Vinci, où il apprend la technique de la peinture à l’huile venue des Flandres.
1475-1478
Travaille à la décoration de la Salle des Prieurs de Pérouse et réalise des fresques pour l’église paroissiale de Cerqueto, près de Pérouse.
1481
Fait partie de l’équipe des peintres appelés à décorer la chapelle Sixtine à Saint-Pierre du Vatican, aux côtés de Sandro Botticelli et Domenico Ghirlandaio. La Remise des clefs à saint Pierre et Le Voyage de Moïse y constituent sa contribution personnelle.
Plus tard, à Rome, il décore la Cour papale pour le couronnement du pape Innocent VIII, puis pour celui d’Alexandre VI.
1494-1497
Appelé à Venise pour intervenir au Palais des Doges.
1496
À Pérouse, il réalise le cycle de fresques allégoriques du Collegio del Cambio, qui décorent la Sala delle Udienze (la salle des Audiences) de Pérouse. Il s'agit du chef-d’œuvre de l’artiste et une des œuvres majeures de la Renaissance italienne.
Aux côtés des peintres Andrea Mantegna et Lorenzo Costa, il participe à la décoration du studiolo (cabinet de curiosités) d’Isabelle d’Este (1474-1539) au palais ducal de Mantoue. Le Pérugin réalise le Combat allégorique de la Chasteté et de la Volupté (actuellement conservé au Louvre)
1523
Il meurt à Fontignano à l’âge de 77 ans, laissant derrière lui, selon les mots de Giorgio Vasari, historien de l’art et biographe de la Renaissance, « une œuvre » qui lui « obtient renom, richesse et affection ».
POUR ALLER PLUS LOIN, DÉCOUVREZ CES OUVRAGES :
Pietro Scarpellini, Perugino, Milan, Electa, 1991.
Francis Ribemont, La Vierge à l'Enfant entre saint Jérôme et saint Augustin, Le Pérugin, Paris, 1996.
Vittoria Garibaldi (dir.), Le Pérugin, maître de Raphaël (cat. exp. : Paris, musée Jacquemart-André, 12 septembre 2014 - 19 janvier 2015), Bruxelles, Fonds Mercator, 2014
Bonita Cleri (éd.), Il Perugino nella Marca 1488-1497 : atti della giornata di studi internazionali, Urbino, 28 ottobre 2016, Urbino, Accademia Raffaello, 2017
Stéphanie Trouvé, « Le Pérugin, Pieto Vannucci, dit, et atelier » notice des Collections du musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Les Essentiels, Sophie Barthélémy et Stéphanie Trouvé (dir.), Bordeaux, Lienart, 2019, p. 18-19.
Umberto Palumbo, Perugino e Perugia : vita, arte e storia di un uomo e della sua città, Bologne, Diogene Multimedia, 2022.
POUR LES TABLEAUX DU DETROIT INSTITUTE OF ARTS, VOIR ICI :
-Saint Nicolas de Tolentino sauvant un garçon de la noyade : Saint Nicholas of Tolentino Rescuing a Boy from Drowning | Detroit Institute of Arts Museum (dia.org)
-Saint Nicolas de Tolentino ressuscitant deux perdrix : Saint Nicholas of Tolentino Restoring Two Partridges to life | Detroit Institute of Arts Museum (dia.org)
Découvrez aussi le site dédié au 500e anniversaire de la mort du Pérugin présentant les différentes manifestations internationales, muséales et scientifiques, commémorant l’artiste : Home - Il Perugino 2023