Mildred BENDALL, une artiste avant-gardiste entre Bordeaux et Paris.
Figure importante de la scène artistique bordelaise à partir des années 1930, Mildred Bendall a joué un rôle central dans les relations entre sa ville natale et Paris. Elle est présente dans la collection du MusBA grâce à ses œuvres Les lapins (20e s.), Roses dans un vase (1919), Vase de fleurs (1937), Fleurs (1938) et Nature morte (1950).
Mildred Bendall, Vase de fleurs, vers 1937
Huile sur toile, 60 x 73 cm
Legs Berthelot, en 1940
Formation et voyage
Née en 1891 à Bordeaux, Mildred Bendall grandit dans une famille de marchands aisés. En 1910, elle intègre l’école des Beaux-Arts de Bordeaux où elle suit les enseignements du célèbre peintre bordelais Félix Carme. En 1914, on lui décerne le premier prix de « Peinture au Palmarès de l’Union Féminine de Bordeaux » pour son œuvre Coin de salon bordelais, récompense qui lui vaudra d’être qualifiée « digne de Félix Carme » par la critique.
Dès son entrée à l’école, la jeune femme révèle de solides bases dans la pratique du dessin, la technique et la composition, qui lui vaudront plus tard le respect d’Henri Matisse et Albert Marquet. Les œuvres de jeunesse de l’artiste sont à l’image du goût de la bourgeoisie locale pour la peinture académique, contrastant nettement avec les avant-gardes picturales alors émergentes à Paris, capitale mondiale des arts à cette époque.
Après sa formation, Mildred Bendall visite le sud de la France à la découverte des paysages de la côte d’Azur, des Alpes, de la Dordogne et du Périgord. Elle passe ses vacances d’été dans une maison de famille, dans le petit village ostréicole de l’Herbe, sur le Bassin d’Arcachon. Les champs, les montagnes et les ports nourrissent l'inspiration de l’artiste, qui produira un grand nombre de peintures et dessins de paysages au cours de ses voyages.
De retour dans sa ville natale, elle peint de traditionnelles natures mortes, qu’elle expose à l’occasion du Salon de l’Union Féminine (1914), puis au Salon des amis des Arts de Bordeaux.
Influence des grands maîtres
En 1920, Mildred Bendall intègre le Salon des Artistes Français à Paris, puis l’Académie de la Grande Chaumière à Montparnasse dont la fréquentation lui permet d’introduire un nouveau souffle dans son œuvre. Là-bas, elle y côtoie les artistes de l’avant-garde, qui formeront le noyau de la future « École de Paris » : Henri Matisse, Georges Rouault, Albert Marquet, Fernand Léger, Pablo Picasso, Georges Braque et Alberto Giacometti.
Elle noue une forte amitié avec Henri Matisse, qui laissera une impression durable dans sa vie et sa vision de l’art. L’artiste est particulièrement attirée par les idées « fauves » du grand maître, considérant la couleur comme élément de construction même de la peinture, suggérant à la fois la forme et l’espace, mais également l’expression des émotions.
Ses œuvres présentent des scènes du quotidien, témoignent de son absorption immédiate des idées « fauves » de Matisse. Entre fauvisme et expressionnisme, Mildred Bendall exprime son attachement pour la nature grâce à des couleurs saisissantes, dans une peinture forte et tendre, moderne dans la technique et attrayante dans l’esthétique.
Mildred Bendall, Nature morte, vers 1950
Huile sur toile, 54 x 65 cm
Achat de la Ville au Salon des Indépendants bordelais, en 1950
Lien entre Bordeaux et Paris
Sous la direction de Matisse, Mildred Bendall devient une force active de l’avant-garde, en établissant un véritable lien entre la capitale progressiste et un Bordeaux encore très conservateur. À son retour en 1928, elle participe ainsi à la création de la Société des Artistes Indépendants Bordelais, dont elle sera membre jusqu’en 1955. À l’occasion des expositions annuelles de la Société, elle invite ses amis et connaissances tels que Pierre Bonnard, Henri Matisse, Pablo Picasso, Georges Braque et Maurice Utrillo à présenter leurs œuvres et à défier ainsi l’académisme dominant.
En 1929, Mildred Bendall et son ami Jean-Paul Bourrieu fondent « Le Studio », une académie libre où des artistes de diverses disciplines se réunissent à l'Hôtel Journu, cours Clémenceau pour travailler ensemble sur des modèles vivants, discuter et partager leurs idées. Lieu de rencontre des artistes bordelais, il est le premier atelier de la ville à dispenser des cours de dessin.
Bien qu’elle ait mis en avant un grand nombre d’artistes bordelais et soit devenue une figure centrale du mouvement de l’avant-garde, l’artiste travaillait sans rechercher la gloire.
Évolution de son art et fin de carrière
Après la Seconde Guerre mondiale, l’artiste s'oriente vers un style plus éclectique et aventureux, en s’inspirant de l’abstraction lyrique. Ses toiles sont révélatrices de la personnalité, du caractère et de sa relation avec son environnement.
Lors de la dissolution du groupe des Indépendants en 1955, elle rejoint le groupe Regards, aux côtés de ses amis Jacques Belaubre et Edmond Boissonnet. Jusqu’à sa mort en 1977, elle poursuivra son œuvre, une peinture jubilatoire, figurative, avec un goût raffiné dans l’exécution, de l’intelligence dans la composition et de la fraîcheur dans les couleurs aux accents fauves.