Un musée à l’épreuve de la crise sanitaire
Comme plus de 1000 autres musées de France, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux a dû s’adapter à une crise sanitaire et culturelle sans précédent. Fermé au public depuis le 16 mars dernier, il n’en continue pas moins à œuvrer en coulisses, poursuivant ses activités sur la toile et hors les murs pour maintenir ses liens privilégiés avec ses publics et ses nombreux partenaires, tant sur le territoire régional qu’en France et à l’étranger.
Si les musées n’ont pas attendu ce tsunami épidémique pour affirmer leur rôle de cohésion sociale et citoyenne, le Covid-19 vient nous rappeler, plus que jamais, la place centrale, voire vitale, de la culture et de l’éducation dans notre vie quotidienne, qu’elle soit sociale ou domestique, comme dans ce contexte inédit de confinement. En condamnant certains à l’isolement et en creusant chaque jour davantage les inégalités sociales, il nous rappelle aussi à notre devoir de transmission au plus grand nombre et ravive le débat sur la démocratisation culturelle, véritable enjeu des politiques publiques depuis trente ans.
Un musée engagé et citoyen
Depuis plusieurs années, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux a placé le public au cœur de son action culturelle. Assumant son héritage de musée encyclopédique, il n’en demeure pas moins toujours connecté à l’art et à la société de son temps. Soucieux d’ouverture et de décloisonnement, il s’est engagé dans une programmation pluridisciplinaire, au croisement de tous les champs artistiques, et profondément inclusive.
Luttant contre toutes formes d’exclusion et de discrimination, il multiplie les initiatives en faveur des publics dits ‘’éloignés’’, tels que les personnes âgées, hospitalisées, handicapées, ou encore incarcérées. Des partenariats tissés avec le CHU, les hôpitaux psychiatriques de Cadillac et de Charles Perrens à Bordeaux, la maison d’arrêt de Gradignan ou encore de nombreux EPHAD, témoignent de cet engagement, récompensé en 2019 par le label ministériel ‘’Le musée sort de ses murs’’. Solidaires avec nos aînés, les malades et le personnel soignant, nous nous sommes associés récemment à la radio du CHU et à celle de l’association Libellules pour proposer à ces publics isolés ou sur le front de la guerre sanitaire des moments d’évasion culturelle par le biais d’autodescriptions habituellement réservées aux mal-voyants.
Le musée n’oublie pas non plus les minorités comme le rappellent ses actions auprès des femmes migrantes de l’association Promofemmes ou de la population LGBT. Il a été le premier à expérimenter le dispositif ‘’Bougeons sans bouger ! L’égalité filles-garçons’’, lancé en 2016 par le rectorat de l’Académie de Bordeaux pour déconstruire les stéréotypes de sexe qui ont façonné les identités de genre dans l’histoire de l’art. Régulièrement réactivé à l’occasion de manifestations, comme la Journée internationale des femmes, ce dispositif permet aussi de relier l’art du passé à notre actualité présente.
Le 10 mai prochain, le musée participera à la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, autre signe de son engagement citoyen.
Une équipe active et solidaire
Depuis le 16 mars, toute l’équipe du musée travaille à distance même si certains se rendent deux fois par semaine sur site pour assurer une veille patrimoniale et bâtimentaire car la protection de nos collections et des murs qui les abritent constituent l’une de nos missions prioritaires. Tous sont mobilisés pour vous offrir une médiation numérique plus innovante qui, si elle ne peut rivaliser avec la confrontation physique avec les œuvres, vous permet de puiser inlassablement, 24h/24, dans nos riches collections mises en ligne pour vous donner matière à penser, à vous divertir ou à vous évader.
Cette période propice à l’introspection n’est-elle pas, en effet, l’occasion de méditer sur les vanités de ce monde dont notre musée regorge de si belles transcriptions picturales ?
De notre côté, nous nous efforçons de tirer le meilleur parti de ce confinement pour repenser nos modèles de médiation, en nous affranchissant notamment du discours académique de l’historien de l’art au profit d’un ton plus décalé et d’une approche plus interactive et démocratique, à travers des détournements d’œuvres proposés par le personnel du musée ou aux internautes dans le cadre de challenges sur le site culturel de la Ville de Bordeaux. La parole est aussi donnée à nos agents ou aux restaurateurs qui nous font partager la passion de leurs métiers ou leurs coups de cœur. Témoignage d’une généreuse solidarité entre les établissements culturels municipaux, une belle synergie s’est mise en place entre le musée et le Conservatoire pour faire dialoguer peinture et musique dans le cadre de nos Regards croisés virtuels. Certaines de nos actions de médiation digitale, tels que les ateliers pour le jeune public, ont été diffusées sur la plateforme ministérielle Culturecheznous, signe de notre dynamisme sur le Web !
Life goes on…
Autre distinction, celle du label ‘’Exposition d’intérêt national’’ qui vient de récompenser, à la fois pour sa qualité scientifique et le caractère innovant de ses actions de médiation, l’exposition sur l’Ecole de Bristol, initialement programmée le 28 mai mais reportée à une date ultérieure en raison de la crise sanitaire. Une reconnaissance de taille pour notre musée qui poursuit sans relâche son travail sur la programmation de ses expositions à venir et sa « Belle Saison britannique » que nous espérons vous faire découvrir prochainement. Si la pandémie pose naturellement la question de la circulation des œuvres, notre politique de prêts, fruit d’un réseau riche et étendu, ne s’est pas interrompue pour autant. Un certain nombre d’œuvres sont encore en France et à l’étranger dans l’attente de la réouverture des musées ou de leur retour tandis que d’autres prêts sont réservés dans le cadre du report de nombreuses expositions. Pas de coup d'arrêt non plus pour notre politique d'enrichissement et de restauration des collections qui mobilise toute l'équipe de conservation.
S’il a bouleversé notre programmation et notre cœur de métier en nous éloignant momentanément de nos collections et, physiquement seulement, de notre public, ce confinement a été aussi un temps de pause bénéfique, propice à la recherche et à la prospective ainsi qu’à la réflexion sur d’autres modes de communication et de médiation allant dans le sens d’une plus grande créativité.
À bientôt le plaisir de vous retrouver au musée et de réfléchir collectivement à nos musées de demain. Plus que jamais, gardons le lien avec la culture, porteuse d’espoir et d’humanité, et rappelons-nous ce mot de Goethe « L’art sert au rapprochement des hommes ».
Prenez soin de vous et rendez-vous sur notre site internet et nos réseaux sociaux,
Sophie Barthélémy, directrice du musée