Johann ZOFFANY, "Vénus sur les eaux"
(Francfort-sur-le-Main, 1733 – Strand on the Green, 1810)
Vénus sur les eaux
Vers 1760
Huile sur toile.
Hauteur 125 cm. Largeur 172 cm.
Historique : Don de François-Lucie Doucet, 1805.
Auréolée d’un voile soulevé par un souffle et presque nue, Vénus est assise sur un char formé par un coquillage et tiré par un dauphin. L’un des tritons soutenant la coquille souffle dans une conque tandis qu’un second pourrait bien incarner Glaucos, reconnaissable à sa queue de poisson et à son visage recouvert de lichens. Deux nymphes offrent à la déesse une branche de corail et des perles disposées dans une nacre. Les amours sont groupés par deux à la tête et aux pieds de la déesse. Les cheveux de Vénus, relevés sur la nuque par un chignon tressé, sont coiffés d’un ruban et de perles. D’un geste pudique, elle cache son sein gauche en ramenant vers lui une colombe.
Le thème mythologique de la déesse de l’Amour flottant sur les eaux en présence de tritons, néréides et autres créatures marines, connut un grand succès du 16e au 18e siècle, avec notamment la Naissance de Vénus (1740, Stockholm, Nationalmuseum) de François Boucher (1703-1770).
Fort de cette tradition et s’inspirant peut-être de cette œuvre française, Zoffany élabore la composition bordelaise en frise avec une certaine monumentalité. Il réduit le paysage marin à quelques flots, et crée une perspective élaborée sans doute en vue d’une installation en hauteur (dessus-de-porte ?). Les arcs de cercle dessinés par le voile et le drapé rouge, ainsi que la sinuosité du grand dauphin atténuent la frontalité d’ensemble.
Zoffany témoigne d’un dessin précis et d’un chromatisme raffiné que révèlent une lumière froide et des fonds sombres. S’inscrivant dans une tradition classique française, il s’inspire de modèles antiques, de Charles Le Brun (1619-1690) et de François Boucher. Cependant, il évoque aussi les Vénus de Titien et la fontaine du Maure du Bernin (1598-1680), qu’il avait admirée sur la place Navone pendant son séjour romain entre 1750 et 1757. Enfin, il aurait laissé son autoportrait sous les traits du triton soufflant dans la conque.
Il faut peut-être rattacher ce tableau daté de 1760, ainsi que son supposé pendant Vénus et Adonis du musée de Bordeaux, à la commande reçue par Johann Zoffany en 1758. L’œuvre aurait dû orner le Palais Electoral de Trèves alors en reconstruction, suivant la volonté de l’archevêque et Prince-Electeur Jean-Philippe de Walderdorff (1756-1768).
Après une formation initiale à Ratisbonne puis à Rome, Zoffany travailla à Trèves en compagnie de Janurius Zick (1730-1797) avant de s’installer définitivement à Londres en 1761 et de devenir membre de la Royal Academy en 1769. Il privilégia alors le portrait et la Conversation Piece qu’appréciait la bourgeoisie et la noblesse anglaise.